LES CALLIGRAPHES JAPONAIS


Il est de toute évidence que la calligraphie japonaise puise ses racines en Chine. En effet, les chinois ont créé au cours des siècles ces idéogrammes à la place d’un alphabet.

Au 6ème siècle, le Japon a adopté les caractères chinois ou kanji.

A la période Heian (794 - 1185), les japonais ont élaboré deux syllabaires afin de transcrire la prononciation des idéogrammes en japonais.

Le syllabaire katakana servira à écrire la prononciation chinoise des kanji, tandis que le hiragana crées par le moine Kûkai - 空海 - (774 – 835)  et qui seront magnifiés par Ono no Michikaze - 小野の道風 - (894 – 966) permettra la calligraphie des waka, poésie japonaise de la cours impériale et plus tard des Haïku de Bashô, Buson et Isa pour ne citer que les plus connus.

 

Prince Shôtoku (574-622) :
Il aurait écrit l’un des premiers textes à la main : le commentaire du Sutra du lotus. Il a été calligraphié dans un style qui était en vogue en Chine du 4ème au 6ème siècle, une cursive cléricale

Impératrice Komyo (701-760) :
Elle a eu un grand rôle dans le développement du Bouddhisme et de la calligraphie. Elle-même a fréquemment copié les sutras et les classiques chinois. Aucun travail existant ne peut lui être attribué. Toutefois, il existe une copie du Luyoi Lun (en japonais Gakkiron) qui se trouve à Nara au Shosoin, ayant pour modèle une œuvre du 4ème siècle de Wang Xizhi, qui pourrait être de sa main

Kûkai ou Kobo Daishi (774 – 835) :
Le moine bouddhiste Kûkai, souvent appelé par son titre posthume Kobo Daishi, a eu un rôle très important aussi bien sur le plan religieux que dans le domaine de la calligraphie. Il a été l'un des "Sampitsu", c'est à dire l'un des trois plus remarquables calligraphes du début de l’ère Heian. Il a prononcé ses vœux au Todaî-ji à 22 ans. De 804 à 806, il a été l'un des membres de l'ambassade japonaise à la cour des Tang. Pendant ce séjour, il a étudié le Bouddhisme ésotérique ainsi que la calligraphie. Il est revenu au Japon en 806, rapportant de nombreuses œuvres et du matériel de calligraphie. Il a introduit au Japon le style de Yan Zhenqing. Il a aussi favorisé la connaissance de la calligraphie en tant qu’art.
Kûkai
a été aussi l'auteur du Tenrei Bansho Meigi, un dictionnaire de tensho et de reisho en 6 volumes qui est le plus ancien dictionnaire d'idéogrammes du Japon.
Il est à l’origine de la création des Hiragana, le syllabaire japonais.
Aujourd'hui, cependant la majeure partie de ce qui survit de ses calligraphies sont en kaisho, en gyosho, et en sosho. Il y a aussi des œuvres calligraphiées dans son style décoratif le hihaku et le zattaisho.

Tachibana no Hayanari  (778 – 842) :
Fonctionnaire du gouvernement et calligraphe, il est avec l'empereur Saga et le moine bouddhiste Kukaï, l’un des Sampitsu ou "Trois Pinceaux" du début de Heian (794-1185). Leurs œuvres sont représentatives de la beauté de la calligraphie chinoise classique
Il a joué un rôle important dans l'introduction et la diffusion des modèles chinois de calligraphie. Il a voyagé en Chine en 804.
Plusieurs calligraphies lui sont été attribués, mais aucune n'a été réellement authentifiée. Son œuvre la plus connue est un rouleau "Ito Naishinno Ganmori" (la prière de la Princesse Impériale Ito) écrite en 833 en kanji (caractères chinois) avec force et d’une manière stylisée. 

Empereur Saga (786 - 842) :
Il a été le 52ème empereur du Japon. Il a étudié les classiques chinois et selon la légende, il a été le premier empereur à boire du thé. Ce fut un excellent calligraphe.

Ono No Michi Kaze ou Ono No Tofu (894 – 966):
Il a été un fonctionnaire de la cour et un grand calligraphe. Il est à l’origine du style wayo ou calligraphie typiquement japonaise mêlant les idéogrammes et les hiragana. C'est avec Fujiwara No Sari et Fujiwara No Kozei, qu'il a formé le groupe des "Sanseki" ou "Trois traces de pinceaux : les Trois Maîtres".  Ces deux derniers ont continué à "améliorer". Il a calligraphié dans le style des maîtres chinois du 4ème siècle tel Wang Xizhi mais en donnant à ses œuvres un raffinement particulier, un aspect personnel et un doux sentiment de liberté de mouvement inconnu en Chine.
En tant que calligraphe, il a été au service de trois empereurs dont l’empereur Daigo (897 – 930). Ce dernier avait été si impressionné par sa calligraphie qu’il avait donné au moine bouddhiste Kanken deux volumes de ses œuvres pour qu’il les emporte avec lui lors d’un voyage en Chine et les montre à la cour des Tang.
Malheureusement il ne reste plus d'œuvres de sa main sauf peut-être le le Byobu Dodai (928) qui est une ébauche pour une inscription sur un paravent exécuté en dans un style semi-cursif ou gyosho.

Fujiwara No Sari  [Fujiwara No Sukemasa]: (944 – 998)
Il a obtenu un rang important à la cour et en 991, il est devenu gouverneur de Dazaifu dans l'île de Kyushu. Il a créé de nombreuses œuvres incluant des panneaux où étaient calligraphiés le noms des palais et des jardins impériaux ainsi ceux du temple bouddhiste de Rokuharamitsuji à Kyoto. Pour ces panneaux ses calligraphies ont été recopiées par des artisans.
Une des œuvres qui reste de lui est le "Shikaishi" composé en 969 durant une soirée poétique chez son grand-père Fujiwara No Saneyori. C'est une œuvre spontanée qui montre sa dextérité aussi bien dans le style des calligraphes chinois du 4ème siècle comme Wang Xizhi que dans celui de Ono No Michikaze. Dans cette calligraphie, l'espace irrégulier entre les caractères, la diversité de la couleur de l'encre montre le caractère impétueux de Sari.
Il a perfectionné le style d’écriture appelée jodai-yo ou wayo appelé aussi "style ancien"

Fujiwara No Yukinari : (972 - 1027)
Il a vécu pendant la période de Heian (794 – 1189) au moment de la domination du clan Fujiwara. Il avait un goût prononcé pour la calligraphie chinoise et en particuliers pour l’œuvre de Wang Xizhi dont des copies avaient pénétrées au Japon au 8ème siècle. Il est le contemporain de l’écrivain Sei Shonagon. Elle est née en 993 et elle a dû rencontré Yukinari entre 993 et l’an 1000. Il est mentionné dans les "Notes de chevet" ou "Makura No Soushi".

Fujiwara No Tadamichi (1097-1164) :
Il a occupé les plus hautes fonctions de l’Etat tel que régent, grand chancelier et ministre des Affaires suprêmes. Erudit et appréciant les classiques japonais et chinois, il a écrit un recueil de poésie chinoise le "Poème du seigneur du temple Hossôji" et un recueil de waka le "Tadamichishû" qui porte son nom.
Dès sa jeunesse, il a eu une grande réputation en tant que calligraphe et lors de la construction du palais impérial en 1159, il a été chargé de calligraphier les inscriptions ornant les pavillons et les portes monumentales. Sa calligraphie restera célèbre à travers les âges grâce à l’école Hosshôjiryû du nom du temple où il s’était retiré.

Zekkai Chushin (1336 – 1405) :
Il a étudié sous la direction de Ch’ing Yuan Huau-Wei : son style de kaisho est dans le style des Tang (fig.84).

Kokan Shiren (1278-1346) :
Moine, il a été à la tête du Tofu Kuji. Sa calligraphie est considérée comme un exemple de cette période. Il a écrit de nombreuses biographies de moines.

Ikkyu Sojun (1394 – 1481):
Prêtre zen, poète et calligraphe, il est l’une des figures la moins conventionnelle du 15ème siècle. Dans son œuvre aussi bien poétique que calligraphique, il a critiqué les institutions zen.

Hon’Ami Koetsu (1558 – 1637) :
Artiste, poète, calligraphe, maître de thé et paysagiste, et polisseur de sabre, il est considéré comme un des plus grands et des plus influents artistes du 17ème siècle.
Dans sa peinture et sa calligraphie, il a créé une version stylisée du modèle du Yamato-e, l'art japonais traditionnel. En même temps que Sotatsu, Koetsu a fondé l'école de peinture de Rimpa, qui a mis en valeur les couleurs lumineuses et l’or. Vers la fin de 1590, il s’est intéressé la céramique, et particulièrement aux bols de la cérémonie du thé "raku". Il a également fondé une communauté artistique sur un terrain donné par le Shogun à Takagamine : les artistes y ont produit des objets innombrables et d’une grande beauté. Une de ses œuvres les plus célèbres est le rouleau de cerfs qui se trouve au Musée d'Art de Seattle, dans lequel sa calligraphie accompagne les schémas gracieux de l'encre de Sotatsu.
"Rien n'est exquis qu'un objet fait par la main humaine. On peut dire que ce travail est le travail fait par l'homme à travers les instructions divines" 
Hon'ami Koetsu

Konoe Nobutada (1565 – 1614) :
Fonctionnaire du gouvernement, poète, peintre et calligraphe, il a été  l’un des membres du "Kan'ei No Sampitsu ou les "Trois Brosses de Kan'ei" avec Hon'ami Koetsu et Shokado Shojo.
La pratique et l'étude du Bouddhisme Zen a aussi influencé son œuvre. Il a étudié la calligraphie dans la tradition de Shoren'in.  Il a été également influencé par des calligraphes chinois de la période des Song (960 - 1279) comme Huang Tingjian. Il a ajouté plus tard son propre raffinement dans sa façon d'écrire qui est connu sous le nom de style Konoe ou Sanmayukin. Il a été un des grands représentant de la tradition japonais wayo. Il existe de nombreuses œuvres de lui. Il a aimé écrire aussi bien en grand comme en petit. Un des exemples de son œuvres écrite en kana très large et "KasenByobu", paravent comportant 6 panneaux.

Ishikawan Jozan : (1583 – 1672) :
Il était le fils d’un samourai et a été un serviteur de Yeasu.
En 1615 il est devenu moine et s’est retiré à Kyoto pour étudier le confucianisme. Il a fait érigé une demeure en 1641 au temple de Ichijo-ji dans les faubourgs du nord-est de Kyoto où il a
vécu comme un lettré de l’époque des Ming (1368 – 1644). Il aimait particulièrement le reisho et a composé des poèmes dans ce style. Il a été très influencé par les calligraphies de l'époque des Ming. Il excellait aussi bien dans la calligraphie chinoise que dans la calligraphie japonaise.

Shokado Shojo  (1584 – 1639) :
C’était un prête zen d’obédience Shingon. Avec Konoe Nobunata et Hon’Ami Koetsu, il a été connu comme l’un des trois "Kan’ei no Sanpitsu"ou les "Trois Pinceaux de Kan’ei era". Il a étudié le style de calligraphie de l’école Shonren ainsi que le style élégant de la période Heian (794 – 1185).

Obaku Dokuryu (1596-1672) :
Il a été l’un des nombreux érudits chinois de la Chine du sud-est qui a émigré au Japon lors de la conquête de la Chine par les Mandchou. Il est y arrivé en 1653. Poète, calligraphe, graveur de sceau, il a eu une grande influence sur les arts du Japon. Son écriture cursive a les mêmes caractéristiques que celles de ses contemporains chinois de la fin de la dynastie Ming mais avec une liberté et un rythme qui lui est propre. Il a aussi introduit au Japon les techniques des Ming concernant la gravure des sceaux ce qui lui a valu une grande réputation.

Shokado Shojo (1584 - 1639) :
Il a étudié au début l’œuvre de Kukaï et a aimé calligraphier les kana. Il a écrit aussi dans un style reisho semblable à celui de Jozan.

Ingen Ryuki (1592 – 1673) :
C’était un moine chinois, poète et calligraphe qui a émigré au Japon à la fin de la période des Ming (1368 – 1644). Il a été à la tête de la calligraphie de l’école Zen Obaku et a formé avec deux disciples un groupe appelé les "Trois Pinceaux de l’Obaku.

Sotatsu Tawaraya vers 1600 :
Il a fondé avec Hon’Ami koetsu l’école "Rimpa" de peinture japonaise. Il a fait revivre le style "Yamato-e" en augmentant sa puissance lyrique avec l’utilisation de couleurs vives et un très grand sens du graphisme. Il a beaucoup collaboré avec Hon’Ami Koetsu, son cousin par alliance.

Ko Ten’i [Fukami Gentai] (1649 – 1722) :
Il était le fils d’un interprète chinois vivant à Nagasaki. Il a été un calligraphe reconnu.

Hosoi Kotatsu (1658 – 1735) :
Il est l’un des grands maîtres de la calligraphie dans le style karayo ou chinois du début du 18ème siècle.
Il a étudié les classiques chinois, la poterie, la gravure des sceaux, les mathématiques, et l’astronomie. Il a étudié la calligraphie avec Kitajima Setsuzan
( 1636 – 1697) qui a popularisé au Japon des calligraphies de la période Yuan (1279 – 1368) et de celle des Ming (1368 – 1644). Il a écrit un livre en 1724 le «Shibi Jiyo» pour expliquer la manière de tenir le pinceau, les traits fondamentaux. Il connaissait les cinq styles d’écritures : le tensho, le reisho, le kaïsho, le sosho et le gyosho. Les traits de son œuvres sont forts, hardis, fermes et épais avec une accentuation dans les traits verticaux.

Ikenaba Doun (1665 – 1737) :
Graveur de sceau et calligraphe, il a étudié avec Sakakibara Kosho (1655 –1706).
Il a été ami de Hosoi Kotako ainsi que de Imai Junsai (1658 – 1718). Il a publié des albums de sceaux.

Konoe Yoraku-in Iehiro (1667 - 1736) 
Il a été un calligraphe expérimenté dans les différents styles de calligraphie japonaise et chinoise et ses calligraphies en reisho sont excellentes. Il est possible de voir une des ses œuvres écrite dans le style reisho au dos de monuments connus comme le Obaku Zensho Kosen Osho no Hi au Bokkoku-ji de Kyoto.

Ryokan (1758 – 1831) :
Devenu moine à l’âge de 17 ans, il a été un poète et un calligraphe connu.

Matsuda Kinsai (1764 – 1833) :
Il est issu d’une famille de graveur de sceau. Il a été un calligraphe très habile.

Ichikawa Beian ( 1779 – 1858) :
Il a été avec Maki Ryoko et Nukina Kaioku l’un des "Bokumatsu No Sampitsu" ou "les Trois Pinceaux de la dernière période d’Edo".
Dans sa jeunesse, il a étudié les calligraphes chinois comme Yan Zhenqing (709 –785), Don Qichang de la période des Ming et Mi Fu qui a vécu pendant la dynastie des Song (960 - 1279).
Il
avait appris tous les styles d’écriture et était particulièrement versé dans le kaïsho et le gyosho. Dans son œuvre en 15 volumes, le Kaigyo Waihen il a recherché l'origine des styles d’écriture.
Son travail puissant est connu sous le nom de "l’Ecole de Beian". Il a été admiré tout au long de la période de Meiji (1868 – 1912). En 1799, il a ouvert une école privée dont le nom était "Sho san rindo ou "Entrée de la colline boisée". En 1804, il est allé à Nagasaki, où il a pu voir les œuvres des calligraphes chinois de la période des Ming et des Qing. Il a admiré les calligraphies de Cai Daoxian, Huang Daozhou et Ni Yuanlu  de la dernière période de la dynastie Ming.

Nukina Kaioku  (1778 – 1863) :
Il s’est concentré sur les anciens travaux chinois qui étaient arrivés de Chine et a excellé auprès des autres calligraphes avec sa manière élégante et son intérêt.

Rai San'yo (1781 - 1832) :
Il a été un peintre, un calligraphe et un érudit connaissant bien l'œuvre de Confucius. Il avait aussi étudié la langue chinoise et la calligraphie. Emprisonné pendant quelques années pour des raisons politiques, il consacra ce temps à la calligraphie.

Maki Ryoko :
 Il a mis en route une étude détaillée des caractères dans son Juttai Genryu. Sa calligraphie dérive du style kaïsho des Tang et il a eu un style personnel.

Kojima Seisai :
A l’époque de Meiji, il a été le calligraphe le plus renommé, et a reçu l’enseignement de Yu Shih-nan et Cho Sanshu. Meikaku Kusakabe a été la première personne à s’intéresser aux Monuments du Nord de la Chine. Son œuvre le Tikawa KiroKu-hi est un édifice géant installé dans une rizière près du hall du Grand Bouddha de Nara. C’est une œuvre ambitieuse, inégalée qui montre l’influence de Cheng Tao-chao qui a vécu à l'époque de la dynastie des Wei du Nord
.

Sawada Toko :
Il a été un grand un admirateur des calligraphies des dynasties Ch'in et Tang. Il avait aussi connaissance des styles tensho et reisho. Il a écrit un livre sur le reisho le Reisetsu ou "commentaires sur le reisho".

Kaioku :
Il s’est concentré sur l'étude des anciennes calligraphies chinoises qui étaient arrivées de Chine et a excellé dans ses oeuvres avec sa manière élégante et son intérêt pour les techniques anciennes. Il a été très renommé pour avoir recopié la calligraphie de Cheng Shen Tse, un manuscrit des T’ang qui se trouve à l’Enryaku-ji.

Tonan Madea :
Il a illustré 16 types de reisho japonais utilisés par les calligraphes de l'époque de Edo au nom poétique :

·     hogaï (palanquin aux bijoux)

·     shusui (eau réunie)

·     saikaku (corne de rhinocéros)

·     kinto (épie d'or),

·     tetsujo (château en fer)

·     tesurei (cloche de fer)

·     banryu (dragons enroulés)

·     yokaku (corne de bélier)

·     shiko (bouche de lion

·     fuga (oie nageant)

·     hoshi (ailes de phœnix)

·     wanjun (bambous incurvés)

·     kanju (collier de perle),

·     gyokuan (bijou de table)

·     tetchu (pilier de fer)

·     shingetsu (nouvelle lune)

Ike no Taiga (1759 – 1817) :
Il a écrit parfois en reisho: son modèle semble aussi avoir été le H. C. P. L'inscription sur le monument est dans un kanrei rugueux et charnu.